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  • Yulia

Interview n°6 - Laetitia

Dernière mise à jour : 24 nov. 2022

Bercé de stéréotypes qui tantôt fascinent, tantôt polarisent, le blond a toujours eu une place dans l’histoire de la beauté des femmes en Occident. Associé à des figures souvent iconiques, telle que Maryline, il a pourtant été longtemps lié à une certaine infantilité, voire naïveté, si ce n’est pour les plus ignorants, à une soi-disant bêtise.


Alors comment se définissent les femmes qui le portent ? Comment naviguent-elles entre l’hypersexualisation et l’infantilisation ?


Laetitia nous raconte son expérience personnelle à travers cet entretien.


Enfant, quel rapport entreteniez-vous avec vos cheveux ? Et quelle était la relation que votre entourage entretenait avec eux ?


Mes parents adoraient mes cheveux ! Enfant, je les avais très bouclés, très blonds, et j’étais la seule de la famille à avoir cette couleur naturellement. Mes parents sont tous les deux bruns, et mon frère roux. Ils appréciaient me coiffer.


Étiez-vous la seule à avoir des boucles ?


Non, mais j’étais la seule à avoir des cheveux longs. Ma mère portait ses cheveux courts, mon père également.


Le fait que vous soyez la seule à avoir les cheveux longs a-t-il impliqué que vous ayez à vous en occuper seule ?


Non, petite mon père me faisait parfois des brushings. Je n’ai pas souvenir que ma mère m’en ait fait. C’est durant l’adolescence que j’ai commencé à avoir du mal à m’en occuper. C’était galère, en plus de cela, cette période accentuait le fait que je n’aimais rien chez moi. Je n’arrivais pas à en prendre soin, et je peinais à avoir un résultat qui me plaisait.


Vous disiez plus tôt que votre père vous faisait des brushings, est-ce que cela était récurrent ? Ou occasionnel ?


C’était occasionnel. De plus, si j’avais les cheveux bouclés lorsque j’étais enfant, ils sont soudainement devenus lisses à l’arrivée de l’adolescence. Et ce n’est qu’après avoir coupé mes cheveux au carré que les boucles sont revenues.


Comment avez-vous fait pour apprendre à vous en occuper ? Discutiez-vous avec des personnes de votre entourage ?


Non, j’ai appris notamment grâce à l’expérience ! Je n’ai pas le souvenir d’avoir eu des amies ayant les cheveux bouclés. J’avais par contre une coiffeuse chez laquelle j’allais régulièrement, mais je n’aimais pas le résultat. Cette période correspondait à celle où les fers à lisser étaient à la mode, et c’est là que j’ai commencé à les utiliser, afin d’avoir les résultats que j’avais avant de les avoir coupés court.


Avec le recul, je ne pense pas que je n’aimais pas avoir les cheveux bouclés, mais je n’arrivais pas à me satisfaire du résultat. Ce n’est que plus tard que je me suis rendue compte du fait que les lisser me prenait trop de temps.


Au même moment, les fers à boucler sont entrés en scène. Je suis donc revenue petit à petit vers mes boucles, me rendant compte que je ne voulais pas continuer à prendre autant de mon temps à me préparer !


Je suis également passée par la période mi-bouclés, mi-lisses. Je me lissais la frange, tout en laissant mes longueurs ondulées.


J’ai fini par mettre de côté cette pratique aussi, pour finalement me tourner vers ma nature de cheveux.


Est-ce que vous avez apprécié ce passage à votre chevelure naturelle ?


Je dirais que ça a toujours été assez compliqué en réalité. Même les coupes que les coiffeurs me faisaient ne correspondaient pas à ce que des cheveux bouclés devaient avoir, je me retrouvais souvent avec une forme de triangle.

J’aimais bien mes cheveux bouclés, mais je ne pouvais jamais les laisser sécher au vent. C’était difficile d’avoir la texture que je voulais sans passer par mille étapes.


Lorsque nous étions plus petit.e.s, il y avait beaucoup de remarques négatives et de « blagues » sur la supposée intelligence des femmes blondes. En avez-vous reçues, et si oui, comment les avez-vous vécues ?


J’en ai reçues, mais je n’ai jamais eu la sensation que celles-ci péjoraient mes relations avec les autres. Ça m’énervait parfois, mais je n’ai pas pris ces remarques personnellement.


Souvent elles avaient lieu de la part d’enfants, et d’adolescents, lorsque j’étais dans ces périodes-là de ma vie. Je n’ai pas la sensation que le monde adulte ait porté un regard jugeant sur mon intelligence.


Par contre, j’ai constaté qu’il y a toute une érotisation dans l’imaginaire des autres lorsqu’ils abordent une femme blonde. Cela passe par des remarques désobligeantes, des fausses croyances, des manières d’être alpaguée lors des rapports de séduction, même étant jeune adulte.


Cette fétichisation existe encore, mais je ne l’entends plus, j’essaie de la laisser me passer au-dessus.


A cela s’ajoutait le fait que j’ai été la seule blonde au sein de mon cercle d’amies, et je me demandais également parfois si l’intérêt que les garçons me portait était dû à ma couleur de cheveux, qui contrastait à celle des autres filles qui m’entouraient. Cela me mettait mal à l’aise, et j’avais la sensation que ça pouvait me retomber dessus, comme si les garçons me repéraient plus facilement. Ce phénomène venait empirer ma timidité déjà existante.


J’ai l’impression que mon rapport à mes cheveux est également lié à ma personnalité. J’entends par là qu’étant timide, je me fondais peut-être plus dans la masse qu’une femme blonde paraissant plus extravertie, et qui aurait donc été abordée par les autres différemment. J’ai également la sensation que le type de blond jouera un rôle dans la manière dont les autres nous abordent, car plus il est clair, et plus il renvoie à des idées « d’innocence » et à un aspect juvénile, cela pouvant renvoyer dans l’esprit des autres à une impression de « bêtise » ou d’érotisme.


Avez-vous déjà essayé de dénaturer vos cheveux ? Que ce soit en les décolorant ou en en changeant la texture ?


Non ! Jamais ! Le chlore avait déjà tendance à donner des reflets verdâtres à mes cheveux, et cela me terrifiait de possiblement voir ce type de résultat perdurer, même par hasard. J’avais aussi l’idée que si les colorations loupaient sur ma couleur naturelle, ce serait pire que sur du brun. Je ne sais pas si c’est vrai, mais cette croyance m’a amené à ne jamais les teindre jusqu’à maintenant.


En réalité, j’ai toujours trouvé mes cheveux assez jolis, ce sont plutôt les effets de mode qui m’ont amenée à les lisser, ou à les manipuler.


Tout au long de ce processus, les coiffeurs que vous côtoyiez ne vous donnaient aucun conseil ?


Non ! Jamais ! Mis-à-part les rares qui se disaient professionnel.le.s des cheveux bouclés. C’est par le biais des blogs et de mes propres recherches que j’ai réussi à mieux les aborder. J’arrive mieux à m’en occuper aujourd’hui.


J’ai tout de même cette petite frustration sous-jacente qui perdure, et qui me fait croire que cela demande plus de temps d’entretenir des cheveux bouclés que des cheveux lisses.


Qu’est-ce qui vous a amenée aujourd’hui à répondre à notre appel à témoin ?


Je trouvais que cela pouvait être un bon moyen pour moi de réfléchir au rapport que j’avais avec mes cheveux, chose que je n’avais jamais fait de manière consciente auparavant.


J’avais également parcouru les précédentes interviews que vous aviez réalisées sur le blog, et j’avais envie de retracer mon parcours, l’étape à laquelle je suis actuellement étant assez sereine, je trouvais intéressant d’y penser avec recul.


La seule crainte que j’ai est que l’on puisse interpréter le rapport que moi je décris avoir eu avec mes cheveux comme étant celui de toutes les femmes ayant des cheveux blonds et bouclés, car ce n’est pas le cas. Le mien a été plus ou moins doux et serein, mais j’entends volontiers que pour certaines cela ait été plus compliqué !


Concernant les stéréotypes dont vous parliez plus tôt, pensez-vous que cela s’est améliorer avec le temps ?


Je ne saurais pas vous dire !


Je pense que de mon côté, je le ressens moins car j’ai grandi avec, et que je m’y suis habituée ! Mais quant à savoir si les nouvelles générations sont toujours la cible de ce type d’idées, je ne saurais pas me prononcer avec précision… je dirais que c’est certainement encore présent pour elles.


Quel regard portez-vous sur les personnes qui se teignent les cheveux pour atteindre votre teinte ?


J’ai toujours trouvé que les personnes qui se teignaient les cheveux pour tendre vers du blond étaient dans une catégorie distincte de celle des personnes dont c’est la couleur naturelle. Pour moi, comme la couleur de départ influence aussi le type de blond qui est obtenu par une teinture, il n’est pas possible d’obtenir exactement le même type de teinte en passant par une coloration que lorsque la couleur de départ tend naturellement vers le blond (cf. on passe la plupart du temps par une décoloration afin de passer du brun au blond).


Comme je faisais cette distinction, je pensais que les autres la faisaient aussi. Mais je constate que l’on me demande régulièrement si mon blond résulte d’une teinture, et si mes boucles sont faites au fer à boucler.


Qu’est-ce que cela vous apporte de voir la démocratisation des cheveux texturés ?


Je trouve cela très bien ! Je pense que ça m’a confortée dans le fait que j’aimais mes cheveux. Ça m’a amenée à me dire que j’avais le choix que de les porter ainsi et de les mettre en valeur.


J’ai aussi pu établir un meilleur rapport de confiance avec les coiffeurs qui en prenaient soin, car cette démocratisation a permis de les former, en tous cas en parti.


J’appréhende moins qu’auparavant de me rendre chez un coiffeur, et de voir ma tête finir avec un résultat aléatoire !


Je pense également que ma problématique reposait sur ma difficulté à trouver ma place dans cet univers où les filles se font jolies, mettent en avant leur apparence. Je devais composer avec quelque chose de différent de la majorité et je ne savais pas vraiment comment m’en occuper. J’avais du mal à trouver le rendu incroyable. C’est notamment ça qui m’a amenée à les lisser.


Je crois que la représentation et la démocratisation permettent notamment d’arriver à ce rapport serein plus rapidement.


Auriez-vous un mot de la fin ?


Je pense que les parents jouent un rôle important dans le rapport que les enfants vont avoir avec eux-mêmes, et qu’il est impératif que les adultes puissent aller chercher l’information des soins et des gestes à apporter.


Merci beaucoup à Laetitia de s'être prêtée au jeu de l’interview !


- Propos recueillis et retranscrits par YH -

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